PAPIER DE POSITION COMMUNE

La nouvelle Directive Miel – Encore de nombreux points à préciser

Le 29 avril, le Conseil a suivi le Parlement et a approuvé la modification de la directive dite « Miel » . Cela signifie que la nouvelle directive entrera en vigueur 20 jours après sa publication au Journal officiel de l’Union européenne. Les États membres disposeront alors de 18 mois pour transposer la directive dans leur législation nationale. Les règles s’appliqueront à partir de 24 mois après l’entrée en vigueur de la directive européenne sur le miel. Nous nous réjouissons des nombreuses améliorations, en particulier de l’indication obligatoire de tous les pays d’origine et du pourcentage. Ces nouvelles dispositions, qui étaient réclamées depuis des années par les apiculteurs européens, améliorent la transparence sur l’origine des miels en mélange, notamment pour les consommateurs. Toutefois, certains points importants ont été laissés de côté lors des négociations. Le texte de la Directive renvoie ces points à la Commission pour des actes législatifs futurs; des points qui sont importants pour lutter contre la fraude et donc pour le soutien au secteur apicole européen. C’est pourquoi ils doivent être abordés le plus rapidement possible.

L’option des 4 pays

Tous les États membres devraient rejeter cette option consistant à limiter les pourcentages aux quatre principaux pays d’origine. Au contraire, tous les pourcentages devraient être indiqués sur l’étiquette conformément à la règle standard

Nous saluons le fait que l’indication de tous les pays d’origine sur l’étiquette soit désormais obligatoire. Toutefois, nous sommes très critiques quant à l’option consistant à n’indiquer que les pourcentages des quatre principaux pays d’origine si ceux-ci dépassent 50 %. Nous demandons à tous les États membres de renoncer à cette option dans leur législation nationale, comme l’a déjà annoncé l’Autriche. Elle va à l’encontre de l’objectif de transparence totale concernant l’origine du miel. La transparence joue également un rôle important dans la lutte contre la fraude sur le miel. En outre, l’application de l’option des 4 pays peut conduire à des mises en œuvre différentes de la directive sur le miel au sein de l’UE, ce qui entraînerait une concurrence déloyale sur notre marché commun.

Miel à usage industriel

Pas de tromperie du consommateur avec le miel destiné à l‘industrie

La nouvelle directive prévoit que le miel de boulangerie ne peut plus être abrégé en « miel » dans la désignation des produits alimentaires. Nous demandons que cette modification soit effectivement appliquée et contrôlée. L’utilisation abusive éventuelle du terme « miel » au lieu de « miel destiné à l‘industrie » dans la liste des ingrédients devrait également être contrôlée.

Plateforme d’experts de l’UE

Les représentants du secteur apicole de l’UE devraient être impliqués dans la plateforme d’experts de l’UE afin de s‘assurer de la prise en compte de leurs intérêts et de la transparence du processus

Conformément à la nouvelle directive sur le miel, une plateforme doit être mise en place afin de discuter et d’évaluer les possibilités en ce qui concerne les thèmes mentionnés ci-après dans le document. Les représentants du secteur apicole de l’UE devraient être impliqués dans cette plateforme d’experts par le biais de leurs groupes d’intérêt. La discussion sur la standardisation des méthodes d’analyse est déjà en cours depuis de nombreuses années, mais les progrès ont été jusqu’à présent limités. Il ne faut pas perdre plus de temps.

Laboratoires de référence

Des laboratoires nationaux de référence pour le miel et un laboratoire de référence européen pour le miel sont nécessaires de toute urgence pour lutter contre la fraude sur le miel

Des laboratoires nationaux de référence pour le miel sont nécessaires pour lutter contre la fraude sur le miel et pour protéger les consommateurs. Un tel laboratoire de référence ne doit pas nécessairement être un laboratoire unique. Nous sommes favorables à la création de consortiums afin d’utiliser l’expertise déjà existante de différents laboratoires.
Parallèlement, un laboratoire de référence pour le miel de l’UE est nécessaire pour garantir la qualité et la vérifiabilité des méthodes utilisées, pour développer de nouvelles méthodes et pour créer une base de données commune qui puisse être utilisée par tous les États membres. Il s’agit d’une demande de tous les apiculteurs d’Europe. Les compétences et les tâches des centres de référence de l’Union européenne pour l’authenticité et l’intégrité de la chaîne alimentaire sont déjà définies à l’art. 98 du règlement UE 2017/625. * Celui qui lit le règlement se demandera pourquoi ceci n’a pas déjà été mis en oeuvre pour le miel.

Les méthodes d’analyse

Des méthodes d’analyse appropriées sont nécessaires pour détecter les fraudes sur le miel. Le processus de standardisation doit commencer immédiatement. En attendant, des méthodes déjà validées et reconnues au niveau international doivent être acceptées pour les analyses correspondantes !

Les méthodes officielles de contrôle de l’authenticité du miel sont obsolètes. Il est donc nécessaire de standardiser les méthodes actuelles et de créer une base de données commune au niveau de l’UE. Le Centre commun de recherche travaille actuellement à l’harmonisation de la 1H-RMN, de l’EA/LC-IRMS et de la LC-HRMS afin de soutenir la standardisation. Nous ne pouvons toutefois pas attendre que cette harmonisation soit achevée avant de commencer le processus de normalisation. Celui-ci doit être financé par la Commission et commencer immédiatement afin de pouvoir lutter le plus rapidement possible contre la fraude sur le miel à l’aide des méthodes appropriées et de respecter le délai imparti de quatre ans.
Des méthodes modernes sont toutefois nécessaires dès à présent. Cela ne fait aucun sens de donner aux fraudeurs et autres falsificateurs quatre ans de plus, voire plus, pour poursuivre leurs activités criminelles. Comme le stipulait déjà l’ancienne version de la directive dite « miel», il est également possible d’utiliser des « méthodes d’analyse validées et reconnues au niveau international ». Bien que les méthodes du Codex Alimentarius soient mentionnées dans le règlement, elles ne sont citées qu’à titre d’exemple et ne sont pas désignées comme méthodes exclusives. Certaines des méthodes mentionnées dans le Codex Alimentarius sont obsolètes et ne sont pas adaptées à la détection des méthodes sophistiquées de falsification. Des méthodes validées et reconnues au niveau international devraient donc également être officiellement autorisées pour la détection de miel frelaté, si elles se sont avérées appropriées par rapport aux méthodes normatives (spécificité, sensibilité, précision, répétabilité, reproductibilité, exactitude). Il s’agit notamment des méthodes mentionnées par la Commission internationale du miel (IHC, pour International Honey Commission). En outre, on peut citer par exemple la 1H-RMN. Cette méthode peut déjà être réalisée par certains laboratoires de contrôle publics.
Il n’existe toutefois pas une seule méthode unique de détection des adultérations du miel. Afin d’éviter les situations/interprétations de faux positifs, faux négatifs ou des résultats controversés, plusieurs méthodes peuvent être utilisées en parallèle pour confirmer la présence de sucres exogènes dans le miel. Nous ne pouvons pas attendre plusieurs années que ces méthodes soient officiellement standardisées. Dans le cas contraire, les contrefacteurs auront également les mains libres dans les années à venir. Nous demandons donc à tous les États membres d’intégrer dès à présent les méthodes en question dans leur législation.

Traçabilité

Un système de traçabilité n’a de sens que si le miel peut être tracé jusqu’à sa source, y compris dans les pays tiers

Selon la directive, la traçabilité doit s’étendre « au moins jusqu’à la première étape à l’intérieur des frontières de l’UE ». Cette traçabilité limitée n’est pas très utile dans la lutte contre la fraude au miel. Comme dans le secteur de l’agriculture biologique, la traçabilité devrait également être possible jusqu’à la source dans les pays tiers. Dans le cas contraire, les fraudes dans les pays tiers, comme l’ajout de grandes quantités de sirop ou la modification de l’indication d’origine, ne peuvent souvent pas être détectées.
Le système devrait également prévoir une exception pour les apiculteurs et les apicultrices pratiquant la vente directe. Dans ce cas, des méthodes plus simples suffisent, comme par exemple le cahier de miellerie.

Paramètres de qualité

Il est important d’introduire des paramètres de qualité scientifiquement vérifiés et pertinents afin d’éviter de tromper les consommateurs. Ce n’est qu’ainsi qu’il sera possible de mettre en évidence la différence de qualité entre les miels traités avec soin et ceux dont l’intégrité du produit n’a pas été pleinement respectée

Lors des négociations, plusieurs représentants du secteur apicole avait déjà demandé l’introduction de l’activité invertase comme paramètre de qualité. La diastase actuellement utilisée comme paramètre n’est guère sensible à la chaleur et est donc critiquée par les scientifiques en tant que paramètre de qualité. Nous demandons donc une valeur minimale de l’activité invertase pour tous les miels. Les miels présentant une activité invertase faible ou nulle ne devraient pas pouvoir être commercialisés du tout ou seulement avec une mention correspondante sur l’étiquette.
Pour ce paramètre, il ne s’agit pas de savoir si l’invertase en tant que telle a une importance nutritionnelle, mais si le miel a été traité et stocké dans de bonnes conditions. Ce n’est que si le miel est traité avec ménagement que ses propriétés bénéfiques sont conservées. Les miels dont l’intégrité n’a pas été respectée ou qui ont été stockés longtemps dans des conditions défavorables présentent des propriétés bénéfiques fortement réduites pour la santé humaine. Or, le miel est avant tout consommé en tant qu’aliment naturel fonctionnel et les consommateurs attendent ces propriétés positives du miel. Il est donc judicieux d’introduire une valeur appropriée pour leur vérification.
De même, certains traitements post-récolte, comme la pasteurisation, ne sont pas attendus par les consommateurs au sein de l’UE, mais peuvent avoir une incidence sur les propriétés du miel et devraient donc être indiqués sur l’étiquette. Si le miel continue à ne pas être contrôlé sur la base de paramètres de qualité appropriés, il s’agit en fait d’une tromperie du consommateur, qui risque de ne pas obtenir les caractéristiques du produit qu’il attend. En outre, cette situation permet une concurrence déloyale avec le miel traité avec soin.

Interdiction formelle de l’ultrafiltration, de la microfiltration et des substances filtrantes telles que la terre de diatomées

Le miel dont le pollen a été retiré est contraire à la définition de la directive sur le miel. Les méthodes connues d’élimination du pollen devraient être expressément interdites

L’ultrafiltration, la microfiltration et les substances filtrantes telles que la terre de diatomée permettent d’extraire du miel le pollen et les composants insolubles. Cela contredit fondamentalement la définition du miel. La microfiltration élimine également les levures du miel, l’ultrafiltration élimine même les enzymes (amylases). Les techniques de « purification » du miel à l’aide de résines sont également clairement à proscrire. Le produit final n’a absolument rien à voir avec le miel. Continuer à l’appeler « miel » est au mieux trompeur – ou au pire frauduleux.
L’ancienne directive „Miel“ imposait un étiquetage du « miel filtré ». Cependant, sur le marché, il n’existe pratiquement aucun produit avec cette appelation « miel filtré » dans sa liste d’ingrédients. Cela conduit à deux hypothèses possibles :
1) soit le produit ne jouait aucun rôle sur le marché et peut donc être interdit comme ne correspondant de toute façon plus au produit d’origine;
2) soit les dispositions nationales mettant en oeuvre la directive sur le miel n‘ont pas été suffisamment respectées et contrôlées.
Or, le miel filtré joue un rôle important dans la fraude au miel pour en dissimuler la véritable origine géographique. Le déplacement du « miel filtré » vers la catégorie « miel destiné à l’industrie » est un progrès selon la réglementation, mais n’a rien changé au problème existant si la disposition n’est pas appliquée. Il faut veiller à ce que le « miel » et le « miel filtré » ne puissent plus être mélangés pour obtenir du « miel naturel ».
L’interdiction peut être appliquée indépendamment de la discussion sur la taille des mailles des filtres et des tamis utilisés.

 


Références sur les paramètres de qualité et la consommation de miel

Blanc S.; Zanchini R.; Di Vita G.; Brun F. (2021). The role of intrinsic and extrinsic characteristics of honey for Italian millennial consumers. Br. Food J., 123, 2183–2198.

Brščić K.; Šugar T.; Poljuha D. (2017). An empirical examination of consumer preferences for honey in Croatia. Appl. Econ., 49, 5877–5889.

Kowalczuk I., Stangierska D., Widera K., Fornal-Pieniak B., Latocha P. (2023). Determinants of Honey
Consumption with Special Reference to the Influence of Nutritional Knowledge and Health Status on Consumption Habits. Appl. Sci., 13, 979. https://doi.org/10.3390/app13020979

Sparacino, A.; Merlino, V.M.; Blanc, S.; Borra, D.; Massaglia, S. (2022). A Choice Experiment Model for Honey Attributes: Italian Consumer Preferences and Socio-Demographic Profiles, Nutrients, 14, 4797. https://doi.org/10.3390/nu14224797

Zanchini R., Blanc S., Pippinato L., Di Vita G., Brun F. (2022). Consumers’ attitude towards honey consumption for its health benefits: first insights from an econometric approach. British Food Journal, 124 (12), 4372-4386, https://doi.org/10.1108/BFJ-09-2021-0992

* Règlement (UE) 2017/625 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2017 concernant les contrôles officiels et les autres activités officielles servant à assurer le respect de la législation alimentaire et de la législation relative aux aliments pour animaux ainsi que des règles relatives à la santé et au bien-être des animaux, à la santé des végétaux et aux produits phytopharmaceutiques,

Récital 71

« Les contrôles officiels et les autres activités officielles devraient être basés sur des méthodes d’analyse, d’essai et de diagnostic qui répondent aux normes scientifiques les plus récentes et offrent des résultats rigoureux, fiables et comparables dans l’ensemble de l’Union. Les méthodes employées par les laboratoires officiels ainsi que la qualité et l’uniformité des données d’analyse, d’essai et de diagnostic générées par la mise en oeuvre de ces méthodes devraient par conséquent être améliorées en permanence. À cette fin, la Commission devrait pouvoir désigner des laboratoires de référence de l’Union européenne dans tous les domaines de la chaîne agroalimentaire qui nécessitent des résultats précis et fiables en matière d’analyse, d’essai et de diagnostic, et pouvoir compter sur leur assistance spécialisée. Les laboratoires de référence de l’Union européenne devraient notamment veiller à ce que les laboratoires nationaux de référence et les laboratoires officiels reçoivent des informations actualisées sur les méthodes disponibles, organiser des essais interlaboratoires comparatifs ou participer activement à leur organisation et proposer des formations destinées au personnel des laboratoires nationaux de référence ou des laboratoires officiels. »

Article 98

Responsabilités et tâches des centres de référence de l’Union européenne pour l’authenticité et l’intégrité de la chaîne agroalimentaire

« Les centres de référence de l’Union européenne pour l’authenticité et l’intégrité de la chaîne agroalimentaire sont responsables de l’accomplissement des tâches de soutien suivantes dans la mesure où celles-ci sont incluses dans les programmes de travail annuels ou pluriannuels des centres de référence qui ont été établis en conformité avec les objectifs et les priorités des programmes de travail pertinents adoptés par la Commission conformément à l’article 36 du règlement (UE) no 652/2014 :
a) apporter des connaissances spécialisées en matière d’authenticité et d’intégrité de la chaîne agroalimentaire et de méthodes pour détecter les violations des règles visées à l’article 1er, paragraphe 2, du présent règlement résultant de pratiques frauduleuses ou trompeuses, en rapport avec la police scientifique appliquée dans les domaines régis par lesdites règles;
b) fournir des analyses spécifiques destinées à identifier les segments de la chaîne agroalimentaire potentiellement sujets à des violations des règles visées à l’article 1er, paragraphe 2, du présent règlement résultant de pratiques frauduleuses ou trompeuses, et contribuer à l’élaboration de techniques et de protocoles de contrôle officiel spécifiques;
c) au besoin, réaliser les tâches visées à l’article 94, paragraphe 2, points a) à h), du présent règlement en évitant ce faisant tout double emploi avec les tâches des laboratoires de référence de l’Union européenne désignés conformément à l’article 93 du présent règlement;
d) au besoin, constituer et tenir des collections ou des bases de données des matériaux de référence authentifiés à utiliser pour détecter les violations des règles visées à l’article 1er, paragraphe 2, du présent règlement résultant de pratiques frauduleuses ou trompeuses; et
e) diffuser les résultats de la recherche et les innovations techniques dans les domaines relevant de leur mission. »